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Albert Camus, ou l’Addiction textuelle Solaire

Publié le 29 mars 2014 par pmx

                            Dessin de  Emmanuel Prost.

 Toute la littérature d’Albert Camus infuse de la chaleur, diffuse de la lumière et brille  de  tout soleil. Il n’a cessé à travers son œuvre de célébrer le lien ancestral ambivalent unissant le Soleil et l’Homme, fait d’ombre et de lumière. Le destin de l’homme est scellé par cette filiation originelle. Une intimité vitale solaire s’est nouée depuis nos origines, allant jusqu’à nous sculpter morphologiquement  depuis nos origines, au gré de notre odyssée darwinienne. La vie, engendrée par ce miracle solaire a façonné notre cocon naturel matriciel, ô combien essentiel  pour notre devenir. Camus est habité par cette philosophie solaire dans chaque atome de son être dirait Teilhard de Chardin. Il vit le soleil dans son entièreté, à la fois épidermique et intellectuelle. Il substitue le crayon au pinceau et nous invite à un voyage pictural  dans Noces à Tipasa, nous précipitant dans une overdose aromatique. C’est un plongeon dans un océan végétal polychrome, à l’image des corps brunis, cuivrés, sur les plages d’Alger. « C’est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m’accapare tout entier »  écrit-il, évoquant  « un alcool généreux montant sur toute l’étendue du monde ». Sa vie est orchestrée par cette symphonie naturelle, simple, spontanée, normale, non contaminée par un culturel pléthorique. « Heureux celui des vivants sur la terre qui a vu ces choses », propos qu’il emprunte à Déméter et il poursuit « voir et voir sur cette terre, comment oublier la leçon ? »  L’Homo Sapiens des temps postmodernes, gadgétisé, urbanisé, dé-naturé, s’est dé-connecté de sa matrice bienfaitrice. L’homme contemporain a banalisé ce rapport au soleil. Le soleil a été  culturellement métamorphosé en produit de marchandisation du paraître, nous conduisant naturellement vers l’abîme consumériste délétère. Albert Camus exprimait une réalité anthropologique vitale, à la fois naturelle et culturelle entre la peau et le soleil dans ses essais publiés en 1938 ; L’été à Alger : « L’évolution du corps comme celle de l’esprit a son histoire, ses retours, ses progrès et son déficit. Cette nuance seulement : la couleur. Quand on va pendant l’été aux bains du port, on prend conscience d’un passage simultané de toutes les peaux du blanc au doré, puis au brun, et pour finir à une couleur tabac qui est à la limite extrême de l’effort de transformation dont le corps est capable. »

C’est en s’enivrant de cette littérature, qu’il nous faut réinventer une philosophie solaire actuelle, réveillant cette cognition primitive matricielle en nous délestant de ce regard marchand et sous influence. La beauté doit transcender, dirait François Cheng, toute empreinte plastique formatée, imposée, déposée et supposée. Eveiller en nous cette fusion nature /culture atomisera toute dépendance chimique ou comportementale  et synthétisera une alchimie vitale salvatrice. Devenez votre propre chef d’orchestre, écrivez votre propre symphonie quotidienne en harmonie avec votre intériorité et votre entièreté. Cette volonté camusienne sera l’essence même de votre existence. Le Soleil, c’est ressentir un plaisir sensoriel, élémentaire, mais surtout pas addictif.

Patrick Moureaux

Albert Camus. Noces suivi de L’été. folio

Patrick Moureaux. Le Soleil dans la Peau. éditions Robert Laffont

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