Classé dans | ANTHROPOLOGIE

ADDICTION SOLAIRE ou « Le Soleil dans la Peau »1

Publié le 26 juin 2014 par pmx

 

L’ADDICTION SOLAIRE, est-ce une nième ADDICTION ? A-t-elle des fondements clinico-biologiques ? Notre société postmoderne et son imaginaire soufflent-ils un vent d’anxiété à haut pouvoir addictogène ?  Le Soleil fait partie intégrante de notre vie et peut non propulser dans un comportement sanitaire excessif, inadapté, voire addictif.

 

Lien anthropologique : Le Soleil,  à la fois divin et démoniaque

C’est une Etoile parmi les milliards  peuplant  notre Univers cosmique, nous sommes dépendants de cette unique galaxie. Cet astre brille de tout son paradoxe, par  son éloignement, situé à 15O millions de kms au dessus de notre épiderme, et sa proximité, car son rayonnement se propage et nous impacte en moins de 8 mn,  au terme d’un nano-voyage inter galactique. Le Soleil nous caresse et nous transperce.

Le Soleil a été un élément déterminant dans l’apparition de la vie sur Terre et  a catalysé notre chronobiologie Darwinienne, notre évolution biologique, nos flux migratoires. Le Soleil nous a sculpté génétiquement et morphologiquement à distance. Le Soleil est un puissant facteur de la diversité chromique visible, mais c’est le grand fauteur de la discrimination ethnique et sociale.

L’Homo Sapiens est né sous le soleil Africain, il y a 200.000 années ; c’est un animal de la chaleur dirait Alain Froment, Anthropologue. Notre TNT, ou température de neutralité thermique idéale est 26°, nous permettant de ressentir ni froid, ni chaud à l’extérieur.

Le Soleil représente un véritable besoin physiologique primaire et probablement génétiquement codé, à l’instar des autres besoins vitaux, la faim, la soif. « L’Homme a sauvé sa Peau grâce à sa Peau » dirait Jean –Marc Bonnet-Bidaud Astrophysicien. Il n’en demeure pas moins l’animal du « toujours plus », aux comportements sanitaires délétères. Cette filiation ancestrale explique l’intimité  relationnelle entre le Soleil et l’Homme depuis nos origines jusqu’à nos comportements hyper-consuméristes contemporains et postmodernes.

Cette dualité est ambivalente, à la fois vitale et risquée. Nous sommes contraints d’adopter une attitude d’équilibriste entre se faire plaisir sans rougir, sans flétrir et sans périr. Le Soleil, élément naturel vital, s’est métamorphosé en produit banal de la marchandisation de notre société de turbo-consommation  hypermoderne.

L’addiction est-elle inscrite dans notre génome depuis le début du « grand récit » ? terme emprunté à Michel Serres.

 

Est-ce  une addiction ?

La notion d’addiction au bronzage ou tanorexie est décrite pour la première fois en 2000, par Le Dr Carolyn J. Heckman² dermatologue à Philadelphie. Il s’agit d’une addiction comportementale sans substances chimiques. Notre Peau est aujourd’hui plongée dans la nébuleuse de l’hypermarché du paraître, devenue ainsi « DEPENDANTE ». Il est impératif d’exprimer un visage jeune et pétillant   permanent. Le bronzage donne cette illusion. Notre représentation narcissique est sous influence. Les sensations de bien être, procurées par l’exposition solaire naturelle ou artificielle  propulsent le consommateur dans une spirale consumériste, compulsive infernale,  croissante  et non maitrisable, ritualisant sa vie, et ce, malgré la connaissance des risques encourus, photo-vieillissement précipité, cancers cutanés, répondant ainsi à la notion d’addiction comportementale. Nous sommes dans  un dynamique HEDONISTE, relevant de la culture de « l’IMMANENCE ». Le scénario est le même, que l’addiction soit chimique ou comportementale. Nous assistons à la mise en place d’une triade reproductible décrite par le Dr William Lowenstein3 : consommation, abus et dépendance. On ne devient DEPENDANT que de ce qui nous fait PLAISIR selon le Docteur Aymeric Petit4, Psychiatre-Addictologue. Nous ne devenons addicts   au soleil qu’ après avoir ressenti, intégré et mémorisé   dans les suites d’une exposition solaire ritualisée, l’effet déstressant, apaisant, euphorisant, dopant ; Docteur, « le soleil ça me donne le moral », «  le soleil me fait du bien », puis plus tard « le soleil, je ne peux pas m’en passer, c’est ma DROGUE ». L’addiction solaire touche les femmes  entre 25 e 3O ans. Des grilles d’évaluation initialement mises au point pour la dépendance à l’alcool, ont été modifiées (le m CAGE et le m DSM) pour   permettre  d’évaluer la dépendance au bronzage.

Comment devient-on accroc du bronzage ?

Nous ne devenons pas « accroc » au soleil de but en blanc, ce comportement nait au sein d’un environnement socio-culturel  prédisposant, offrant tous les ingrédients  nécessaires à son expression.

Le mimétisme comportemental est déterminant. Les études démontrent l’influence maternelle dans l’addiction solaire, le sexe ratio est de 5.3 femmes pour un homme. Les jeunes filles,  évoluant dans un biotope favorable, avec un mode de vie orchestré par les mamans ont un risque addictif multiplié par 3;  vacances au soleil, loisirs sous le soleil, pratique du bronzage artificiel, peau toujours bronzée, garde-robe colorée et  lumineuse, et morphologie très svelte, il s’y associe souvent un tabagisme concomitant. Les neurones miroirs contribuent à catalyser cette attitude.

L’influence socio-culturelle  joue un rôle majeur, par la diffusion des  canons de la beauté  au sein des revues spécialisées, de la force de frappe en marketing des centres de bronzage,  en utilisant les nouvelles techniques d’information et de communication, notamment en proposant des prix étudiants par SMS ,  et en s’inspirant des techniques du neuro-marketing.

La notion de nano précocité, et la chronologie de l’instantanéité, redéfinissent le plaisir, qui ne peut attendre, « c’est le tout,  tout de suite » le bronzage doit être lisible immédiatement et en permanence, corroborant la fréquentation assidue des cabines UV. Nous évoluons dans une société stressante, harassante, hérissante, oppressante, usante, vampirisante, anxiogène, déprimante et donc addictogène. Aux USA, l’âge moyen d’accès aux UV artificiels est 14.7 ans, 25% des étudiants se disent accros des UV.

Le support neurobiologique est validé par l’ intimité originelle qui  lie le cerveau et la peau. Ces deux organes sont issus de la même matrice souche ; l’ectoblasme et se différencient durant le développement embryonnaire. Les travaux des explorations en imagerie fonctionnelle mettent en évidence la connexion   entre des récepteurs des kératinocytes de l’épiderme et les terminaisons nerveuses émises par le cerveau qui viennent les coiffer. Y aurait-il comme certains le prétendent un cerveau central, l’encéphale et un cerveau périphérique, la peau ? Des neuromédiateurs identiques (endorphines)  sont secrétés à la fois par l’un et l’autre sous l’effet d’un stimulus, les UV dans le cas particulier. Ces réseaux gèrent un plaisir « opiacés-like » via des voies chimiques dopaminergiques  et connectives imbriquées, relevant d’une alchimie complexe, intrinsèque et extrinsèque.

La peau libère  des endorphines au contact des UV, renforçant la notion de plaisir médié par la dopamine au niveau du cerveau, à l’image des opiacés, initiant une tolérance imposant des expositions solaires démultipliées en nombre de séances et en temps, traduisant ainsi la physiologie possible de la notion d’addiction comportementale.

Comment sortir de cette addiction ?

Les solutions thérapeutiques ne sont pas standardisées en raison de la difficulté de traduire la réalité  nosologique psychologique  de l’addiction solaire, elle peut être assimilée à un trouble du contrôle des impulsions.  La stratégie thérapeutique  se situe à deux niveaux : préventif et curatif.

Il est impératif de tout mettre en œuvre pour ne pas rentrer dans l’addiction, en instaurant une pédagogie préventive précoce de toute addiction. Pédagogie, adaptée, consensuelle, inter-disciplinaire, organisée, à chaque niveau scolaire, collège, lycée, et les deux années post-bac. Un triptyque articulant : parents, professionnels de la Santé, et de l’enseignement veillera à sa diffusion.

Le biotope familial devra être conscient de réduire tout comportement  visible et lisible, à haut risque sanitaire afin de minimiser toute reproduction de la part de l’adolescent.

Une législation rigoureuse doit enfin maîtriser l’accès aux centres de bronzage à l’instar des dispositions  émises dans le 3ème Plan Cancer. Les UV sont considérés par l’OMS comme des agents cancérigènes de niveau 1, potentialisant le risque de cancers cutanés5.

Le deuxième volet est curatif, en utilisant les Techniques de thérapie  cognitives et comportementales  sur une longue période  (au moins six mois). Elles sont basées sur l’accès par paliers intentionnels progressifs à une motivation exprimée et assistée, conduisant le patient à la cessation de toute exposition solaire pathologique. Cette stratégie par étapes cycliques se caractérise par une succession de niveaux connectés, codés que sont : négation, intention, motivation, action, consolidation, et malheureusement à tout moment précipitation dans la rechute. L’accompagnement du patient par une équipe psychologique entrainée sera le garant de la pertinence de son sevrage.

Conclusion

Le Soleil, par sa double face digne de Janus, est fait  de  zones d’ombre représentant les  risques sanitaires, et de zones de lumière nous enveloppent d’un bien être naturel, accessible pour tout un chacun, et peut  nous conduire dans la sphère du PLAISIR, nous déroutant du lien naturel essentiel, ancestral et vital. Notre désir de simple humain est surtout de ne pas vouloir périr, alors osons innover un double comportement protecteur personnel et collectif.

A titre individuel,  il vous incombe d’organiser votre vie ludique  solaire  dans votre quotidien  banal ou  exotique. La solution n’est pas monacale, une attitude enseignée et équilibrée, responsable  sera globalement bénéfique, elle peut s’appliquer aux autres sphères de votre vie sanitaire.

Au niveau collectif, notre soif consumériste nécessite une réévaluation éduquée et orientée de nos besoins de Santé. L’Homo Sapiens est l’animal du toujours plus. Aujourd’hui  transformons ce plus, il doit expressément être cultivé dans sa définition existentielle afin de poursuivre un chemin évolutif et non addictif.

Cette réflexion est née de notre essai scientifique interdisciplinaire, associant ; astrophysicien, anthropologue, dermatologue et psychiatre-addictologue. Le livre intitulé «  Le Soleil dans la Peau », est édité chez Robert Laffont.  Il vous invite à  un voyage Darwinien au cœur de votre odyssée évolutive, au sein de rapport Soleil et Peau, ouvrant la « VOIE » à un comportement naturel, délesté de tout influence  culturelle. « L’Homme est culturel par nature et naturel par culture », dirait Edgar Morin.

Dr Patrick Moureaux

SOS ADDICTIONS : http://sos-addictions.org/

Réseau Mélanome Ouest : http://www.reseau-melanome-ouest.com/

1 Le Soleil dans la Peau. Patrick Moureaux, Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Alain Froment, Aymeric Petit, éditions Robert Laffont 2012.

2 Heckman CJ, Egleston BL, Wilson DB, et al. A preliminary investigation of the predictors of tannning dependence. Am J Health Behav 2008 ; 32 (5) : 451-464

3 Dr William Lowenstein. Ces dépendances qui nous gouvernent Comment s’en libérer? Le Livre de Poche, 2007

4 Petit Aymeric, Richoux C, Lejoyeux M. L’excès de bronzage peut-il mener à la dépendance ? Alcoologie et Addictologie 2011 ; 33(3)

5  www.reseau-melanome-ouest.com

Ecrire un commentaire

Twitter

Archives